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Le Trait d'Union : Spécial Les avions de tourisme en France (1949-1970)

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Les avions de tourisme en France (1945-1970)
Un numéro hors-série du Trait d’Union publié en 2020

 

L’état des lieux à la Libération

Lorsqu’intervient la fin du conflit mondial, l’aviation de tourisme en France est aussi sinistrée que les autres composantes de la vie nationale : destructions, pénurie, impression de devoir tout relancer en même temps sans en avoir les moyens...

Le parc des avions légers d’avant-guerre avait été réquisitionné en 1939, et peu nombreux sont ceux qui ont survécu aux six années de guerre, surtout en Métropole. Les hangars, quand il en existait, n’ont pas été entretenus. Les pistes doivent être débarrassées des fameuses asperges de Rommel. L’argent manque, et notamment les devises étrangères ...

Bref, un tableau assez sombre, qui laisse mal augurer de l’avenir ...

 

Les facteurs du développement

Pourtant, il existe des éléments positifs qui vont renverser la tendance.

Le tout premier est le fait que la guerre n’a duré « que » six ans. Or, dix ans plus tôt, ce qui est court dans une vie humaine, l’aviation française était florissante et populaire. Cet engouement ne s’est pas effacé. Nul environnement de défiance ou de désaffection : le moindre avion qui vole attire les badauds ; les modestes meetings de campagne font recette. L’aviation de tourisme va se relever dans un climat général positif qui ne fera que s’améliorer avec le retour de l’optimisme collectif.

Au plan des infrastructures, la France bénéficie d’un maillage serré de petits terrains d’aviation, certes modestes mais permettant de voler proche de chez soi. On constatera d’ailleurs que la taille de ces pistes en herbe va conditionner la taille des aéronefs conçus dans les années suivant la Libération.

Les aviateurs français sont eux-mêmes fort nombreux, dont des hommes d’une trentaine d’années qui ont fait leurs premières armes dans le cadre de l’Aviation Populaire. Ils vont faire profiter de leur énergie positive.

Il faut aussi parler de la situation hors-Métropole. En 1945, la France est une puissance coloniale qui préside aux destinées de l’Empire français ... sans imaginer que ses jours sont comptés.

Que ce soit dans les colonies indochinoises ou africaines, l’aviation a déjà une place importante, ne serait-ce que pour pallier les conséquences des grandes distances. Comme de plus les colons sont nombreux et pour un bon nombre assez fortunés, les colonies sont déjà pourvues d’avions légers.

En Afrique du nord, le cas de l’Algérie – qui représente trois départements français – est emblématique : les Pieds -Noirs ont installé des aérodromes, créé des aéro-clubs, et fait vivre une intense activité aéronautique de loisirs.

La constante, dans ces territoires excentrés, a été l’absence de velléité d’intégration des autochtones pourtant largement majoritaires en nombre. L’aviation privée y restera « hors-sol » et n’en sera que plus facilement chassée lors des indépendances qui se produiront au milieu de la période considérée.

 

Le rôle des institutions

Paradoxalement, la France est un pays qui cloisonne et organise l’esprit de liberté qui figure dans sa devise. N’échappant pas à ce dogme, l’État va intervenir à plusieurs niveaux de la renaissance de l’aviation de tourisme.

Dans les premières années, c’est la couleur politique qui influence cette action : il faut fournir à tout prix du travail aux usines, en continuant par exemple la production de modèles initialement fabriqués pour la Luftwaffe. Le point d’orgue sera la commande et la fabrication des 150 SUC.10 Courlis pour lesquels il n’existait ni clientèle ni bon moteur !

Les technocrates sont aussi à la manœuvre. Les décisions de soutien sont largement prises sans études des besoins réels du terrain, telle la fourniture de 500 Stampe aux aéro-clubs comme avion de début, ou le refus de recevoir des Piper Cub. Quant aux concours périodiques du SALS, ils ne débouchent pas sur des commandes pertinentes, quand les résultats ne sont pas écrits d’avance pour satisfaire des intérêts industriels...

L’Aéro-club de France n’a jamais eu pour objectif de démocratiser l’aviation de tourisme et n’aura pas d’action positive dans la période, au contraire du Touring Club de France.

Enfin, il faut souligner l’importance des aéro-clubs dans le redémarrage de l’aviation légère. Leur objectif est d’attirer de nouveaux pilotes et d’en assurer la formation. Rappelons que l’aviation n’étant pas encore connotée « activité pour les riches » en cette période, les syndicats la soutiennent et on voit émerger des aéro-clubs catégoriels pour les cheminots, les électriciens ou les métallurgistes.

 

Dessinateurs et industriels

Au gré des pages qui suivent, on constatera que la France est riche de dessinateurs d’avions légers de qualité, parfois autodidactes. La génération des Marcel Riffard et Paul Deville a passé la main, faisant place au talent de Claude Piel, René Fournier, Yves Gar-dan, Roger Druine et Jean Delemontez. Leur problème commun sera de trouver assise auprès de constructeurs solides.

Car les sociétés aéronautiques d’envergure délaissent la « petite aviation », ou, quand elles s’y intéressent sporadiquement, ne savent guère s’y prendre. C’est le cas pour les sociétés nationales, comme on le constatera plus loin.

Mais des entrepreneurs relèvent le défi. Si Lucien Quérey (SAN) est fauché en plein essor, Pierre Robin est l’exemple d’une réussite sur le long terme. Mais c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt, tant les sociétés éteintes seront nombreuses ...

 

La question des moteurs

Dans ce même registre de la production, la France va perdre son autonomie en matière de motorisation : Régnier, Mathis, Minié ne proposent que des moteurs médiocres ; Renault et Salmson ne développent plus. Potez sera le dernier à jeter l’éponge.

Reconnaissons qu’il ne s’agit pas d’un phénomène français : à la même époque, l’industrie britannique des moteurs est laminée par le rouleau-compresseur américain.

 

Face à la concurrence américaine

Ceci nous amène à évoquer la concurrence mondiale dans les années 45¬70. La France a, comme nous l’avons vu, des atouts dans sa main, et peut bénéficier temporairement de l’effacement de ses rivaux traditionnels allemands et italiens. De l’autre côté de la Manche, au fil des regroupements, toute l’industrie aéronautique britannique a entamé sa spirale d’anéantissement, dont Auster-Beagle sera le dernier reflet. Les importations de source européenne resteront marginales.

Mais, dans le même temps, l’industrie américaine des avions de tourisme est en ordre de marche, déjà spécialisée et appuyée sur un marché intérieur énorme et un soutien politique à l’exportation. Cette concurrence est largement sous-estimée en matière d’aviation, le chauvinisme écartant la clairvoyance. L’industrie française ne prendra pas la mesure de cette rivalité et dispersera ses efforts sans percer au-delà de quelques voisins européens. Dans un pays qui s’enorgueillit d’avoir construit et vendu seulement 280 Caravelle, on aurait pu s’émouvoir de séries d’avions de tourisme arrêtées au 10ème ou 20ème exemplaire. Pendant ce temps, jouant sur la modernité et la fiabilité, les Piper, Beechcraft, Stinson et autres Cessna se sont largement répandus chez les particuliers et dans les aéro-clubs.

C’est dans cet environnement que va se développer l’aviation de tourisme en France, dans trois axes: la construction amateur, le vol à voile et le vol moteur. Nous avons souhaité vous présenter seulement ce dernier domaine, sous l’angle des aéronefs qui y ont participé.

 

144 pages – en français